Ne pas se fier aux pochettes. Ou plutôt, y regarder à deux fois. Mi-Napoleon d'Abel Gance mi-Jeanne d'Arc de Dreyer, tête inclinée, mais nous défiant du regard, larmes de sang striant une joue lacérée par ses soins, Dennis Larsson semble nous prendre à témoin de son History of Damage, comme en écho au Fitzgerald de The Crack-Up : "Toute vie est bien entendu un processus de démolition".

On imagine un destin à la Jackson C. Frank , déjà on convoque la cohorte des loner/downer folk qui nous accompagne, quand l'intro grinçante et énervée de Madeline Suicide's Eyes vient nous démentir. La fêlure est bien présente mais, ici, pas de tête à tête avec une guitare pour chanter la dévastation ni chasser les fantômes. Dennis Larsson, en bon héro baudelairien jouant parfois à se faire mal, auto-supplicié en proie à une "vorace ironie", ne craint rien moins que la posture des âmes en peine se flagellant avec leur propre importance. D'où ce disque tout en dissonances.

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De la noirceur bien sûr, des chansons crève-cœur ("The Last Reunion", "It'll all Work Out"), des refrains infectieux (le velvetien "Four Eyes", "Clear Blue Sky"), des ambiances sournoises ("You Can Never Go Home Again") et surtout, un art consommé de l'écart musique/lyrics : banqueroute émotionnelle versus tempo enjoué de Holly, ballade chaloupée, flute-soul et voix suave pour nous dépeindre le tableau cruel du lonely boy à la mère trop absente ("Puppets"), petit plaisir atrabilaire de rancœur sur fond de piano-bar languissant ("I Can't Get Hating You"). Au total, une brochette de titres au songwriting brillant, parfaitement exécutés et servis par une production étonnante.

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Pressé à 500 exemplaires, History of Damage n'est apparemment répertorié dans aucune archive, fût-elle acide.

Holly 

Apology 

It'll All Work Out 

Clear Blue Sky 

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