Il est bon d'écouter les standards de Noël - quasi toujours américains - en particulier quand ceux-ci sont brillamment interprétés par des artistes tels Janie & Bob, mais il est meilleur encore de se laisser emporter par ces airs jadis populaires et chansons hors d'âge (et bien de chez nous) que ce sont les Naus (Noëls Poitevins) et Guillannus (chansons de quête du 1er de l'an ou de l'Épiphanie), sauvés in extremis de l'oubli au XIXe et XXe par des collecteurs, qui se sont efforcés de coucher sur papier une tradition transmise de grands-parents en petits-enfants, par nature orale, qui, en même temps que la paysannerie, risquait de disparaître avec les guerres mondiales, triste tournant immortalisé à l'écran par Georges Rouquier.

En jouant et en faisant revivre cette musique du fond des âges, sorte de baroud d'honneur contre une civilisation américanisée et un monde désenchanté, Guillannu - traduction poitevine de "au gui l'an neuf" (le cri des druides qui coupaient le gui sacré la sixième nuit de la lune nouvelle) s'inscrit pleinement dans la démarche initiée par ces collecteurs, de sauvetage et de promotion d'une antique culture mi-païenne mi-chrétienne, celle des mystères, des veillées où l'ont chantait, dansait jusqu'à l'aurore, celle d'un temps où en Poitou-Charentes, le soir de Noël, l'on plaçait encore dans la cheminée une "cosse de nau" ou "trefoujau" (bûche de Noël) pour protéger sa famille, où la veille du 1er de l'an, l'on courait la guillannu demandant les étrennes ou la part à Dieu.

Qui dit ancienne musique, non musique ancienne, s'il y a quelconque sens à opposer répertoire populaire et savant (clin d'œil à l'attaque de 1975 contre ces jeunes gens - plus tout à fait jeunes : le groupe existe toujours et donne encore des Concerts de Nau - qui ont eu l'impudence de jouer leur musique paysanne en prélude à un concert de musique ancienne) dit instrumentarium du même âge (mandoles, vieilles, flûtes, hautbois...) sans qu'à aucun instant, le groupe ne succombe à la facilité de la guitare électrique, au contre-sens. Et cette musique a beau être une musique de gueux, de petites gens, de paysans, de sans-dents diraient-ils aujourd'hui, intraduisible selon les règles de l'art musical, empreinte d'intonations fausses ou âpres, elle n'en est pas moins remarquable et belle. Particulièrement dans cet album (le plus difficile à dégoter avec "Là-haut dedans la tour"). Miracle de Noël sans doute ou magie de générations d'artistes-poètes paysans ? 

Au Saint Nau

La part à Dieu, on vous la demande

Quand Pierre partit de Provence - Avant-deux 

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